duminică, 14 octombrie 2018

L'INTERVIEW FRANCOPHONE


                                       

            La sfârșitul anului școlar trecut, una dintre elevele mele de la clasa a XI-a C din Colegiul Național Mihai Viteazul mi-a luat un interviu pentru revista în limba franceză a liceului - Accents francophones - pe care o găsiți și pe site-ul  CNMV, la Actualizare site → Materiale. Cum acolo nu a putut apărea tot interviul, fiind mai lung, și cum eu vreau să le ofer elevilor mei toate răspunsurile la toate întrebările pe care au vrut să mi le pună, reproduc și aici acest interviu, care vorbește despre felul cum o limbă și dragostea ta pentru ea, și relația ta cu ea îți pot nuanța și îmbogăți viața. 


                  - Comme vous êtes notre professeur de français, nous voudrions savoir ce qui vous a poussée à embrasser cette carrière, Madame.
                   - J'étais très passionnée pour la lecture et pour l'étude des langues et j'ai voulu d'abord continuer et approfondir cette étude, malgré les conseils de ceux qui me recommandaient instamment de suivre les cours de la faculté de médecine ou de faire des études de droit. Mais j'ai décidé finalement de devenir professeur et je ne le regrette pas, parce que toute carrière a des hauts et des bas et chaque métier a sa beauté et ses inconvénients. Maintenant, je considère que l'enseignement a fait partie de mon destin. Et puis le professorat est beau, attendu qu'il vous met en contact avec des jeunes de plusieurs générations et cela, c'est un spectacle fascinant: on a l'impression d'entrevoir le parcours du monde, de le deviner en quelque sorte, on a la possibilité de s'adapter continûment à cette évolution, d'y participer, de corriger un peu ce parcours, de l'enrichir.
                  - Et vos passe-temps? À quoi aimez-vous passer votre temps libre?
                - J'aime faire des excursions, je raffole des musées et des spectacles. Pour moi, un musée est vivant, il abrite des traces et ces traces aboutissent quelque part, nous révèlent quelque chose, éclairent le passé, nous aident à nous éclaircir nous-mêmes. Un musée nous enrichit. Napoléon I-er a enrichi la France en faisant du Louvre le plus grand musée du monde, vu que Napoléon imposait aux peuples conquis un tribut d'œuvres d'art. Je raffole également des cathédrales et des monastères. En France, mon premier coud de foudre a été avec une cathédrale; c'était celle d'Amiens: blanche, massive, d'une beauté unique, impossible à reproduire, un vrai <<rêve de pierre>>, comme dit Mallarmé. Je me suis sentie tomber d'émotion. En Grèce, j'ai beaucoup aimé les monastères perchés des Météores. Les moines grecs ont su faire s'épanouir les rochers. Ces couvents renferment la définition concentrée de la civilisation: de la pierre modelée, ciselée, métamorphosée ou, autrement dit, le devenir du rocher. En Roumanie, j'aime le Nord de la Moldavie avec ses monastères qui se dressent derrière les collines, parmi les bois, et qui disent l'histoire d'Etienne le Grand et de tous les Roumains.
            J'aime encore écouter de la musique classique, voir des films, aller au théâtre; j'aime lire. Je pense qu'un bon livre vous console des aventures que vous n'avez pas vécues. Les bibliothèques, les livres sont ce qui reste après nous, c'est le marc de la vie. La lecture nous apprend à faire le marc... des livres.
                  - Comment est-ce que vous avez découvert votre passion pour le français?
                  - J'étais petite et j'avais appris à l'école une chanson française qui nous faisait connaître que <<Sur un chemin, j'ai rencontré/La fille du coupeur de paille/Sur un chemin, j'ai rencontré/La fille du coupeur de blé./Oui, oui, j'ai rencontré/La fille du coupeur de paille...>>
            La chanson débordait d'enthousiasme et j'ai compris, toute petite que j'étais, que le narrateur était tombé amoureux de la fille du coupeur de blé. J'ai alors découvert que s'il n'y avait pas d'enthousiasme, il n'y avait pas d'amour... L'histoire de mon commerce avec le français est une histoire d'amour et j'aime enseigner cette langue et écrire en français (j'ai même un blog en français) justement pour faire continuer cette histoire. L'amour, c'est la vie.
                  - Et alors lequel serait le plus beau moment de votre carrière?
                  - J'étais avec les élèves de la XII-è, d'un lycée bilingue. Ils allaient sous peu de temps finir leurs études lycéales et c'était le jour où ils faisaient leurs adieux à leurs enseignants. Ils s'étaient proposé d'apprécier l'activité de chaque professeur par une citation et, comme ils savaient que j'aimais énormément Malraux, mon activité a été évaluée par une phrase prononcée par Picasso et puisée dans les Antimémoires de Malraux: j'étais donc un professeur de la catégorie <<Je ne cherche pas, je trouve.>>
            Cette citation m'a fait honneur, même si je l'ai trouvée un peu exagérée. À bien réfléchir, elle est valable pour l'art où il ne faut pas chercher; tout ce qu'il faut à l'artiste se trouve parmi ses ressources innées, se trouve dans sa tête qui n'a d'égales que ses mains.
                  - Et le moment le plus amusant?
                 - C'était une classe de français, toujours avec des élèves de la XII-è; des élèves de ce lycée. Je leur enseignais la Francophonie et leur parlais des pays francophones d'Afrique et de la Guerre d'Algérie (1954-1962). En général, ils faisaient attention et me posaient des questions pour s'éclaircir. Je leur répondais de bon cœur et j'étais très animée. C'était un bon moment de la journée. Soudainement, une élève a levé le doigt. J'ai cru qu'elle voulait me poser une question et, très volontiers, je lui ai dit: <<Oui, mon enfant.>>
            Et, mon élève de conclure:
            "Profa, s-a sunat."
                  - Voulez-vous définir la France en quelques phrases?
                 - Pour moi, la France, c'est la langue française. Le français est une voie de communication, un espoir, une partie de moi-même. Je ne pourrais pas m'en passer. Pour moi, la France, c'est ses grands architectes qui ont su soumettre la nature pour en faire de l'art.
            En outre, la France s'identifie pour moi à la littérature française: à Racine et Molière, à Baudelaire, Verlaine, Rimbaud et Mallarmé, les poètes célébrés par Debussy, le compositeur de l'année 2018, quand nous fêtons 100 de Debussy (1862-1918), 100 d'impressionnisme musical. Si Mallarmé a écrit L'Après-midi d'un faune, Debussy lui a attaché son Prélude... Je pense également à Marcel Proust, à Ionesco et Beckett, à Malraux, Gide, Sartre et Camus, à Simone de Beauvoir et Marguerite Yourcenar, à Makine et Houellebecq. La France est aussi une tache de couleur; et je pense alors aux peintres classiques - Nicolas Poussin -, romantiques - Eugène Delacroix - et surtout aux impressionnistes dont Monet et Renoir m'ont émerveillée quand je les ai vus en original au Musée d'Orsay.
             - Si vous pouviez faire changer le système d'enseignement en Roumanie, vous proposeriez quoi?
              - Quand j'étais plus jeune, j'aurais tout changé. Du tout au tout. Heureusement, le temps est passé, j'ai vielli et je suis devenue plus sage... D'autre part, le système a beaucoup changé; il a été plusieurs fois renouvelé. On a de nouveaux programmes et aux examens l'accent porte sur la production de sens et non pas sur la simple reproduction, ce qui est bien.
            Encore, l'enseignement roumain aurait-il besoin de plus de sérieux en général, d'un baccalauréat différencié - il faudrait faire une différence nette entre les lycées théoriques et les lycées techniques pour ce qui est des programmes d'enseignement et des sujets au bac.
            Il faudrait que le nombre des universités privées diminue parce que cela implique des diplômes achetés et l'Université n'est pas une boutique. Tout ne peut pas être acheté. En France il y a des lycées privés célèbres, mais pas d'universités. Il y a eu, à un moment donné, une simple proposition à ce sujet, mais l'idée a été réfutée à la suite d'amples manifestations de protestation. Il nous faudrait plus de sérieux et d'honnêteté. Le bac, lui aussi, devrait être plus sérieux et plus sévère, pas absolument qu'en France où le bac était un examen extrêmement difficile et complexe. Le baccalauréat y est considéré la condition principale pour accéder à l'enseignement supérieur, étant envisagé comme le premier grade universitaire. En 1970-1985, seulement 65-70% des Français passaient leur bac. Des années auparavant, la situation était encore plus sombre: seulement 50% des Français réussissaient à avoir leur bac. Mais les choses ont évolué et cet examen est devenu plus accessible. À partir de 2012, 90% des Français ont leur bac.
            En outre, je reproche au système d'enseignement une certaine idéologie communautaire qui a fait que l'étude de l'histoire - matière d'étude fondatrice de la culture générale - diminue considérablement.
                  - Quels sont vos livres et vos films préférés?
                  - Mon philosophe préféré est Nietzsche et mon livre-fétiche est La Naissance de la Tragédie. Mon écrivain préféré reste André Malraux par son œuvre, sa vie, ses Antimémoires, son agir - combattant, l'arme à la main, dans la Guerre civile d'Espagne, du côté des Républicains, membre actif de la Résistance française pendant la Seconde Guerre Mondiale, l'un des 4 présidents du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, le Président de la Ligue Mondiale contre l'Antisémitisme, le Ministre de la Culture sous Charles de Gaulle, le plus brillant et énergique Ministre de la Culture qui ait jamais existé.
            J'adore voir des films. Je ne peux pas entrer en détails. Je dirai seulement que j'adore Martin Scorsese, surtout celui de Raging Bull, de La Dernière Tentation du Christ et de La Valse des Pantins (The King of Comedy). Je me passionne également pour le cinéma danois et scandinave. Pour moi, un film fait par un réalisateur danois ou norvégien, célèbre ou non, ne peut être que très bon. Je le sais d'avance parce que, vous savez, j'ai de l'expérience.
                - Si vous n'étiez pas devenue professeur, quel métier auriez-vous préféré?
                - Mon grand-père - que la terre lui soit légère - en me voyant si studieuse insistait toujours pour que j'étudie la médecine. Moi, j'avais trop d'imagination pour un métier si précis. J'ai suivi ma soif au lieu de prêter l'oreille aux conseils de mon grand-père que j'aimais et qui m'aimait. Ai-je fait bien ou non?  Est-il bon de suivre sa soif? La question reste ouverte.
            De toute façon, chacun de nous est <<une colonie d'individus>> (Aldous Huxley) et c'est nous qui choisissons lequel de ces individus sera l'emblème de la colonie. On n'est pas l'homme d'une seule option. Et puis il faut faire attention également à l'importance que la société prête à un certain métier. N'oublions pas qu'on vit par les yeux des autres.

                        Propos recueillis par Bianca Sertov - la XI-è C, CNMV, Bucuresti