<<Quel homme! Quel
violon! Quel artiste! Quelle souffrance, quelle angoisse, quels tourments ces
quatre cordes peuvent exprimer>>, s'exclamait Liszt après avoir vu et
écouté Paganini - un génie du violon.
Paganini est né le 27
octobre 1782 à Gênes, dans une famille modeste, mais tous les deux parents
étaient amateurs de musique. Son père était docker dans le golfe de Gênes, mais
c'était la mandoline son violon d'Ingres. À propos du nom du peintre, c'est
justement Dominique Ingres qui allait faire le portrait du grand violoniste, le
plus grand qui ait jamais existé, et qui, à l'âge de cinq ans, apprit la
mandoline avec son père.
Tout allait bien quand,
une nuit, sa mère fit un rêve: elle rêva de son petit Niccolò qui jouait
du violon, en soliste, devant un grand orchestre! Quel rêve! La famille en fut émue et on décida que les garçons allaient apprendre le violon; le frère aîné de
Niccolò, Carlo, fut lui aussi violoniste.
Le 27 octobre 2017 Niccolò
Paganini vient de souffler ses 235 bougies. Quelle fête! Non, je n'ai pas oublié.
Comment j'eusse pu oublier? J'y ai pensé tout le temps! J'avais déjà choisi les
morceaux de musique par lesquels j'allais le célébrer, mais un emploi du temps
très chargé, le trafic, la fatigue et les événements tragiques du temps dernier
(la mort prématurée de Hvorostovsky qui nous a tant affligés) m'ont empêchée de
m'en occuper. J'y suis arrivée en retard, voilà tout, mais je pense que mieux
vaut tard que jamais. L'important est de ne pas manquer l'événement, vu que
c'est à un phénomène qu'on assiste: quelque chose d'inouï et d'époustouflant.
Le grand Goethe décrit le génie de Paganini comme une <<colonne de
flammes et de nuées. J'ai simplement entendu qu'une sorte de météore et je n'ai
pas pu me rendre compte. Je pense qu'un tel phénomène n'est pas expliquable par
le seul jeu des lois humaines.>>
Parmi ses admirateurs il
convient de citer Franz Schubert, Robert Schumann, Liszt, Berlioz, Chopin, de
grands musiciens qui s'y connaissaient...
Chopin reprend ensorcelé
l'idée de Goethe:
<<Le jeu de Paganini
ne peut s'expliquer par les seules forces humaines: son art n'est pas une
simple merveille, mais un prodige hors nature.>>
Berlioz se souvenait de
lui comme d'un <<homme à la longue chevelure, à l'œil perçant, à la
figure étrange et ravagée, un possédé du génie, un colosse parmi les
géants...>>
Mais le portrait le
meilleur, nous le tenons d'Henri Vieuxtemps, violoniste lui aussi. Le Belge
l'avait vu et écouté lorsqu'il n'avait que dix ans, mais ses notations sont
d'une exactitude remarquable:
<<Grand émoi!
Sensation! Absence de faim et de soif! Il y avait de quoi. Je m'en souviens
encore. Je le vois. Les applaudissements qui l'accueillirent n'avaient pas de
fin. Pour quelque temps, il avait l'air de s'en amuser et, quand il en avait
assez, d'un coup d'œil d'aigle, diabolique, il regardait le public et lançait
un trait, une fusée éblouissante, partant de la note la plus grave du violon
jusqu'à la plus élevée, avec une rapidité, une puissance de son, une clarté, un
étincellement de diamant si extraordinaire, si vertigineux que déjà chacun se sentait subjugué, fanatisé.>>
C'est Paganini en
interaction avec son public. Grâce à Vieuxtemps, nous commençons à le voir, à
le sentir et nous en sommes ravis.
En 1828, il entreprend des
tournées à Vienne et à Prague. En 1829, on le trouve en Allemagne et en
Pologne. En Allemagne, il rencontre Schumann qui compose ses douze études
d'après Paganini. Mais il connaît son plus grand succès à Paris, en 1831, où il
donne 10 concerts en 5 semaines et 59 concerts en 6 mois. Puis on le trouve en
Angleterre, en Belgique et aux Pays-Bas. La salle était chaque fois bondée
nonobstant le prix très souvent doublé du billet. On apprécie que, grâce à ces
tournées, Paganini a gagné, plusieurs fois, son propre poids en or.
Mais le moment le plus
brillant fut à Paris, où le prix des billets avaient doublé et le critique
musical François Castil-Blaze conseillait les Parisiens affolés de vendre
<<tout ce que vous possédez, bradez tout, mais allez l'entendre. C'est le
plus impressionnant, le plus surprenant, le plus merveilleux, le plus
miraculeux, (...), le plus inattendu des phénomènes jamais survenus.>>
Castil-Blaze présente
Paganini comme un mec bien fait et séduisant:
<<Cinq pieds, cinq
pouces, taille de dragon, visage long et pâle, fortement caractérisé, bien
avantagé au nez, œil d'aigle, cheveux noirs, longs et bouclés. Les prunelles,
étincelantes de verve et de génie, voyagent dans l'orbite de ses yeux.>>
Une présence inoubliable,
n'est-ce pas? Quel dommage de n'avoir pas d'enregistrements avec Paganini -
violoniste ou Mahler - chef d'orchestre. Quel miracle de la technique,
l'enregistrement! Que nous sommes heureux maintenant d'en disposer!
Heureusement, Paganini
n'est pas seulement le plus grand violoniste de tous les temps, mais également
un remarquable compositeur. J'ai eu l'embarras du choix quand j'ai dû choisir
quelques morceaux de son œuvre si riche.
Maintenant, j'aime vous emmener
en l'ensorcelante Italie, au Carnaval de
Venise, où vous allez écouter jouer Vadim Repin avec Berliner
Philharmoniker, ayant à sa tête Mariss Jansons.
Deuxièmement, je vous
offre le Concerto pour violon no 1, en mi-bémol majeur. Je le trouve si beau
que je le place parmi les meilleurs, après le Concerto pour violon de
Mendelssohn, le Concerto pour violon no 5 de Mozart et le Concerto pour violon
en la mineur de Bach. Vous allez écouter jouer Itzhak Perlman, qui donne une
des meilleurs versions de ce concerto et la plus sensible, avec Royal
Philharmonic Orchestra, dirigé par Lawrence Foster.
Finalement, je vous
propose Variations sur la corde de sol
ou Mose Fantasia ou Variations sur un thème de Moïse en Egypte,
de Rossini, quand vous allez écouter <<le violoncelle enchanté>> de
Paul Tortelier (1914-1990).
L'enchantement existe,
vous devez y croire!
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