vineri, 23 martie 2018

AIMEZ-VOUS PROKOFIEV?




                                AIMEZ-VOUS PROKOFIEV?


         Bien sûr que oui! Après tant de belle musique qu'il a écrite!
         Sergueï Prokofiev est né le 23 avril 1891 et mort le 5 mars 1953. Nous venons de commémorer 65 ans après sa mort, survenue des suites d'une hémorragie cérébrale. Il est mort à Moscou, attendu qu'en 1935 il a regagné l'Union soviétique, l'Union stalinienne, où il a vécu des hauts et des bas suivant les humeurs tsunamiennes d'un Etat totalitaire.
         Pour le commémorer, nous avons choisi le Concerto pour violon no1 en ré majeur et le ballet Roméo et Juliette, deux pièces qui nous sont très chères.
         Le Concerto pour violon no 1 fut composé en 1916 et 1917. La Révolution russe qui éclate en février 1917 surprend Prokofiev à Saint-Pétersbourg, qui deviendra Petrograd et, depuis 1935, Léningrad. Devant ce premier tsunami, le musicien se retire dans le Caucase. Puis il se verra obliger, tout comme Stravinsky, de fuir l'Union soviétique et la première du Concerto pour violon no 1 n'eut lieu qu'en 1923 à Paris.
         Mais de 1930 à 1932 Prokofiev fait des tournées en Union soviétique où il remporte de grands succès. A part ces succès stimulants, le gouvernement communiste lui promet un appartement à Moscou et une datcha, c'est-à-dire une résidence secondaire à la campagne, près de Moscou, pour le convaincre de rentrer. La tentative des gouvernants communistes porte des fruits et en 1935 Prokofiev est de retour et reçoit une commande du théâtre Kirov de Léningrad (nommés ainsi de 1935 à 1992, parce que de nos jours et avant 1935 on parle du fameux théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg). La commande était pour le ballet Roméo et Juliette, et Prokofiev se prit au travail. Ce qui en résulta fut quelque chose de très dense, très rythmé, très beau et assez extravagant pour l'époque. Le Kirov refusa le ballet. Mais Prokofiev est tenace et ne tarde pas à signer un autre contrat avec le Bolchoï de Moscou, qui refuse également le ballet. Les danseurs considéraient ce ballet indansable, vu sa complexité rythmique.
         Mais Prokofiev est tenace autant que doué et le ballet eut sa première en 1938, au Théâtre Mahen, à Brno, en République tchèque, en jouissant d'un bon accueil. La première russe a eu lieu en 1940 au Kirov pour qu'en 1946 le Bolchoï lui ouvre également ses portes.
         Je vais vous proposer le Concerto pour violon no 1 dans la version de Leonidas Kavakos, avec Valery Gergiev à la tête de l'orchestre de Mariinsky Concert Hall. Gergiev dirige les mains vides, sans baguette ni cure-dents. Ses mains évoquent la cathédrale de Rodin, une cathédrale bâtie de sons. Des sons qui s'élèvent dans la salle en forme de violoncelle de Mariinsky III, inaugurée en 2006, avant Mariinsky II, le deuxième théâtre lyrique de Saint-Pétersbourg (2013).  Mariinsky III n'a que  1100 places par rapport à Mariinsky II qui en a 1900, mais jouit d'une très bonne acoustique: la cinquième place au monde après Musikverein de Vienne, Boston Symphony Hall, le Concertgebouw d'Amsterdam et Carnegie Hall de New York. Ces théâtres de Mariinsky sont imprégnés du travail, du génie et de la sueur de Valery Gergiev. De quoi était-il vêtu à l'occasion de ce concert à Mariinsky? De son vieux bleu, de sa tunique ou de frac?
         Eh bien, il était habillé de sa tunique, déboutonnée au premier bouton; il avait la barbe légèrement poussée et l'air dynamique, pas trop fatigué. Mais quand il dirige, il n'est pas un homme, il est un dieu très soucieux de la réussite du concert.
         Ce que je vous offre, c'est un concert à tout casser!
         Pour ce qui est du ballet Roméo et Juliette, j'ai choisi la chorégraphie de Kenneth MacMillan avec David Garforth au pupitre, présentée à La Scala. J'aime beaucoup la chorégraphie de MacMillan (1929-1992). C'est la plus animée, la plus passionnée, sensuelle et très ouverte au tragique, à même d'exprimer l'idée que la vie, la vie véritable est ouverte au drame et que cela la rend passionnante, valant la peine d'être vécue, si courte qu'elle soit, tandis que la non-vie, celle qui est surveillée, épiée, contrôlée, manipulée, entravée par les plus odieux des mortels qui se prennent pour des dieux ne vaut rien; il y a là un enseignement dionysiaque, il est vrai. Et le charme de la vie et également ses dangers, c'est l'Italie qui nous les apprend. L'ensorcelante Italie! Il faut aller à Vérone, à Milan, à Rome, à Venise... pour en savoir plus.
         Ce qui est mémorable et obsédant dans Roméo et Juliette, c'est La Danse des chevaliers, un vrai leitmotiv qui se fait entendre chaque fois qu'approche l'amour, le danger ou le présage de la mort; chaque fois qu'approche une situation-limite telle que le duel où Tybalt a tué Mercutio qui s'était battu à la place de Roméo pour que celui-là ne soit pas obligé de se battre contre le cousin de Juliette, avec laquelle Roméo s'était marié en secret. Maintenant il se trouve dans une situation-limite, étant obligé de venger la mort de son ami, de se battre contre Tybalt, que d'ailleurs il tue. Il nous reste à comparer la danse de Mercutio et de Tybalt avant de mourir; c'est comme une sorte de danse de la mort, mais qui diffère de Mercutio à Tybalt. Chacun meurt comme il a vécu: Mercutio fait une danse qui semble être celle de l'amitié, de l'oubli et du pardon; il veut prolonger l'agonie pour avoir le temps de faire ses adieux à ses amis, alors que Tybalt se roule par terre et se tord comme le dragon de la Tétralogie de Wagner, comme s'il avait voulu faire du mal une dernière fois.  Tout ce qui est a une fin. Je ne cache pas le fait que, chaque fois que je vois représenté ce ballet et surtout j'en écoute la musique, je pense à Wagner...
         J'aime encore la chorégraphie de Kenneth MacMillan pour la danse d'Alessandra Ferri, dans le rôle de Juliette: magnifique, danseuse sans pareille et actrice passionnée.
          

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